Orano : les déboires de l’uranium français au Niger, convoité par la Russie et l’Iran

Par Germain de Lupiac
10 juin 2025 12:51 Mis à jour: 10 juin 2025 14:57

L’exploitation de l’uranium au Niger est au centre d’un bras de fer entre la junte qui a pris le pouvoir en 2023 à Niamey et le groupe français Orano (ex-Areva), le spécialiste français du cycle de l’uranium, dont le capital est détenu à plus de 90 % par l’État français. Le dossier illustre les tensions entre l’ex-puissance coloniale française qui s’est retirée du pays fin 2023 et les militaires au Niger, qui ne cachent pas leur affinité avec les nouveaux partenaires que sont la Russie ou l’Iran.

Plusieurs acteurs du secteur minier ont en effet « exprimé leur intérêt » pour la reprise de sites miniers d’Orano « et sont libres de faire des offres s’ils le souhaitent », a indiqué le groupe le 17 mai 2025, confirmant une information du Financial Times. 

En décembre 2024, Orano avait acté la perte du contrôle opérationnel de ses trois filiales minières au Niger : la mine de Somaïr, celle de Cominak (fermée depuis 2021) et le gisement d’Imouraren. Ce dernier site est l’un des plus grands gisements d’uranium au monde, avec des réserves estimées à 200.000 tonnes, et le Niger a retiré à Orano son permis d’exploitation en juin 2024.

Mais le groupe français demeure majoritaire à plus de 60 % dans ces filiales, et a rappelé avoir engagé « plusieurs procédures d’arbitrage international » contre l’État du Niger, dont la dernière en date fin janvier après la perte du contrôle opérationnel du site de la Somaïr.

Et une quantité d’environ 1300 tonnes de concentré d’uranium appartenant au groupe français est toujours bloquée sur ce site, pour une valeur marchande de 250 millions d’euros.

La reprise en main chaotique des sites miniers

« Plusieurs parties ont exprimé leur intérêt pour les actifs miniers du groupe au Niger et sont libres de soumettre des offres si elles le souhaitent », mais la « priorité actuelle d’Orano reste de poursuivre la procédure d’arbitrage international », a indiqué le groupe dans une déclaration à l’AFP, en se disant « ouvert au dialogue » et aux « solutions » qui permettraient de « préserver ses intérêts et ceux de ses employés ».

La première requête d’arbitrage avait été déposée fin décembre 2024 et concernait le retrait du permis d’exploitation du gisement d’Imouraren. C’est le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) qui a été saisi.

Pour le groupe, le climat sur place s’est encore dégradé le 6 mai, quand l’entreprise s’était dite « très préoccupée », « n’ayant pu entrer en contact avec son représentant dans le pays » à la suite d’une perquisition de ses bureaux par les forces de sécurité nigériennes à Niamey et la disparition de matériel informatique.

En janvier, Orano, qui exploite de l’uranium dans le nord du Niger depuis 1971, a dit avoir produit en 2023 plus de 7100 tonnes d’uranium issu de ses sites miniers au Canada, au Kazakhstan et au Niger.

Le groupe a annoncé mi-février avoir réalisé un bénéfice de 633 millions d’euros en 2024, presque trois fois plus qu’en 2023 (217 millions d’euros), pour un chiffre d’affaires à 5,87 milliards d’euros (+23 %).

Des bureaux perquisitionnés par les autorités nigériennes début mai

Orano s’était dit « très préoccupé » début mai par la situation, « n’ayant pu entrer en contact » avec son représentant au Niger, où les bureaux de ses filiales auraient été perquisitionnés.

« Lundi 5 mai, il semblerait qu’il y ait eu des interventions des forces de l’ordre nigériennes au siège des filiales de Somaïr, Cominak et Orano Mining Niger à Niamey avec saisie de matériels », a indiqué le groupe Orano, confirmant une information de RFI sur des perquisitions dans les locaux des filiales minières d’Orano.

Le régime militaire nigérien se montre de plus en plus en conflit ouvert avec Orano, majoritaire à plus de 60 % dans trois filiales, Somaïr, Cominak (fermée depuis 2021) et Imouraren. Sur ce dernier site, dont les réserves sont estimées à 200.000 tonnes, Niamey a retiré à Orano son permis d’exploitation. Le groupe français a dénoncé « l’ingérence des autorités ».

Le groupe minier sceptique sur le redémarrage d’une de ses mines

Orano avait estimé en février que le redémarrage du site de production d’uranium de sa filiale Somaïr, au Niger serait « très long ».

« Il n’y a aucun canal de communication avec les autorités depuis le coup d’État » militaire en juillet 2023, « un refus systématique de dialogue », a-t-il ajouté, en déplorant un « drame humain et financier ».

Le régime militaire au pouvoir à Niamey, qui a fait de la souveraineté un de ses mantras, a répété qu’il souhaitait revoir en profondeur le système d’exploitation des matières premières sur son sol par des compagnies étrangères.

Le Niger invite des sociétés russes à exploiter ses ressources naturelles

Le Niger a invité fin 2024 des sociétés russes intéressées par l’exploration et l’exploitation de ses ressources naturelles du pays du Sahel.

Cette invitation formulée par le ministre nigérien des Mines, Ousmane Abarchi, dans un entretien à l’agence publique russe Ria Novosti, est intervenue au début du conflit avec le groupe français Orano.

« Nous avons déjà rencontré des sociétés russes qui sont intéressées pour venir explorer et exploiter les ressources naturelles au Niger », a dit le ministre des Mines.

« En ce qui concerne les sociétés françaises, l’État français à travers son chef d’État a dit ne pas reconnaître les autorités du Niger », arrivées au pouvoir à l’issue d’un coup d’État militaire en juillet 2023, a rappelé Ousmane Abarchi. « Est-ce qu’il vous paraît concevable qu’à ce titre nous, État du Niger, acceptions que les sociétés françaises continuent à exploiter nos ressources naturelles? », a-t-il souligné.

Depuis son arrivée aux affaires, le pouvoir nigérien, issu d’un coup d’État perpétré en juillet 2023, multiplie les prises de positions hostiles à l’Occident et à la France en particulier. Cette décision intervient alors que Niamey conteste la décision annoncée fin octobre par le spécialiste français de l’uranium Orano de suspendre sa production.

La Sopamin, société d’État nigérienne, est actionnaire minoritaire de la Somaïr, dernier site exploité au Niger par le groupe français jusqu’à ce que celui-ci annonce une suspension de sa production d’uranium effective au 31 octobre.

Le pouvoir nigérien a maintes fois répété vouloir revoir en profondeur le système d’exploitation des matières premières sur son sol par des compagnies étrangères et il se tourne notamment vers de nouveaux partenaires comme la Russie ou l’Iran.

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