ENTRETIEN – Un rapport intitulé : « Frères musulmans et islamisme politique en France » a été révélé par le Figaro fin mai et publié ensuite sur le site du ministère de l’Intérieur. Le document de 73 pages revient sur la stratégie d’ « entrisme » de l’organisation islamiste fondée en Égypte en 1928. Cette dernière est décrite comme « une menace pour la cohésion nationale ».
Philippe d’Iribarne est directeur de recherches au CNRS. Il est notamment l’auteur de L’islam devant la démocratie (Gallimard, 2013) et Islamophobie : intoxication idéologique (Albin Michel, 2019). Si la publication de ce rapport est une étape précieuse, il y a encore des tabous à briser, explique le sociologue.

Epoch Times : Philippe d’Iribarne, comment décryptez-vous le rapport publié le 21 mai intitulé : « Frères musulmans et islamisme politique en France » ?
Philippe d’Iribarne : Je me suis réjoui de la publication de ce rapport officiel. Les autorités sortent enfin d’une forme de timidité à l’égard des Frères musulmans et de l’islamisme de manière plus générale. Jusqu’à présent, seuls certains chercheurs comme Florence Bergeaud-Blackler avaient le courage de s’attaquer à ces organisations.
Je constate également que ce sujet ne constitue plus une omerta pour les médias qui ont largement repris le rapport. Les temps ont bien changé ! Quand Georges Bensoussan – sous le pseudonyme d’Emmanuel Brenner – a publié en 2006 Les Territoires perdus de la République, la presse n’en avait presque pas parlé.
Par ailleurs, l’ensemble des électeurs, y compris de gauche, ont accueilli favorablement ce rapport. Le fait que plus personne ne ferme les yeux sur l’islamisme est une première.
À vous entendre, certains verrous ont sauté…
Oui, mais certains tabous persistent. Le rapport n’a pas voulu aller trop loin par crainte d’un procès en islamophobie. Les auteurs ont d’ailleurs été extrêmement habiles : ils se sont focalisés sur une organisation, à savoir les Frères musulmans.
Je pense qu’il aurait été judicieux de creuser davantage. « La spécificité de l’islam nous oblige à réformer la loi de 1905 », déclarait Édouard Philippe en septembre 2023.
Ce rapport est encourageant, mais il n’est qu’une étape précieuse d’un long chemin qui reste à parcourir.
Comment l’État peut-il répondre avec force à l’idéologie islamiste qui va au-delà de certaines organisations ?
La force de ce document est de montrer que l’entrisme islamiste est partout : à l’école, dans le sport etc. Le combat contre cette idéologie doit donc se mener sur tous les fronts.
Je note avec beaucoup de satisfaction que certaines personnalités ne se laissent pas intimider par cette idéologie à l’instar du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau ou de l’ancien Premier ministre, Gabriel Attal, mais encore faut-il qu’ils proposent des solutions réalisables. L’interdiction du port du voile pour les mineurs de moins de 15 ans souhaitée par Gabriel Attal me semble aller dans le bon sens, mais est-ce réellement faisable ? Je ne sais pas.
Par ailleurs, je pense que nous devons arrêter d’aborder la question de l’islamisme à travers le prisme de la laïcité et des signes religieux. Le problème ne concerne pas les religions ou l’interdiction de celles-ci, mais l’emprise, sur la société, d’un courant politique opposé aux valeurs de la République. C’est sur ce terrain qu’il faut agir.
La laïcité à la française n’est donc pas suffisamment « puissante » pour contrecarrer le projet des islamistes ?
Non, parce que le projet islamiste n’est pas religieux, mais politique. Les islamistes ont pour objectif le contrôle de la société et de la population. Il ne s’agit pas seulement d’orienter les esprits vers une spiritualité, mais de mettre en œuvre un projet d’organisation de la société, avec des lois bien particulières et un tout nouveau rapport entre les hommes et les femmes.
Par conséquent, rester seulement sur le terrain de la religion et de la laïcité nous fait passer à côté de l’essentiel et revient à s’en prendre à l’ensemble des religions, dont celles qui n’ont aucune volonté d’emprise sur la société.
Pourquoi selon vous, aujourd’hui, une partie de la gauche peine à condamner l’entrisme islamiste et qualifie le rapport d’« islamophobe » ?
Une partie de la gauche, notamment mélenchoniste, applique depuis plusieurs années une stratégie clientéliste sans retenue à l’égard des islamistes et des musulmans radicaux. Ce n’est plus un secret. Ensuite, la gauche et l’idéologie islamiste se retrouvent dans la haine de l’Occident.
Et souvenez-vous du rapport publié en 2013 par le conseiller d’État Thierry Tuot. Ce dernier laissait voir très clairement comment la gauche se sert de la religion musulmane pour miner la société française de l’intérieur, détruire la France d’autrefois et en construire une nouvelle.
Ainsi, pour la gauche, l’islamisme et sa capacité de destruction du monde occidental ne sont pas perçus comme une catastrophe, mais au contraire, comme un formidable outil permettant de faire table rase du passé et de bâtir une nouvelle société.
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